Vendredi 14 juin Richard Jonvel a présenté aux adhérents du Ciras les fouilles du château de Démuin
Démuin est une commune du département de la Somme, à 22 km au sud-est d’Amiens, en direction de Roye. Le village, situé dans le Santerre, est au centre d’un terroir céréalier exploité depuis l’Antiquité et dont Roger Agache a su révéler les très nombreuses villae gallo-romaines. L’habitat est implanté sur un petit promontoire dominant la vallée de la Luce, affluent de l’Avre, au centre du bassin hydrographique de la Somme. Les hommes ont exploité le relief pour y implanter une forteresse médiévale qui a constitué, à partir du XIVe siècle, une position fortifiée importante de l’amiénois, au même titre que les forteresses, plus connues, de Boves et de Picquigny. Une motte castrale, au nord de l’actuelle place de l’église, est encore identifiable sur des photographies aériennes de l’Entre-Deux-Guerres.
La fouille préventive s’est déroulée à proximité du centre du village (70 m de l’église), sur les faibles pentes du promontoire. L’intervention archéologique a été motivée par la création d’un lotissement de 24 résidences. Sur un projet de 18000 m², le diagnostic archéologique mené par l’INRAP a localisé la présence de vestiges datables du IXe au XVIe siècle sur près de 5000m². La prescription préfectorale a donc porté sur cette surface. Les résultats de la fouille menée par UnivArchéo regroupent 755 unités stratigraphiques organisées en sept grandes phases chronologiques. Cette opération se distingue par deux choses. Tout d'abord, cette fouille, en milieu rural, a révélé « l'emmottement » des niveaux les plus anciens ce qui a permis de conserver une épaisseur stratigraphique de un à cinq mètres. En outre, nous avons dégagé, partiellement, une plate-forme castrale, de très grandes dimensions, ce qui constitue une opération relativement rare, dans le cadre d'une fouille préventive. Nous proposons, pour cette notice, un éclairage sur les deux types d'habitats repérés.
L'habitat fortifié du haut Moyen Âge
De très loin, c’est la période la plus riche en vestiges et en mobilier. La fouille a révélé trois types de structures : des éléments de stockage (silos et greniers ; 87 éléments), des bâtiments sur poteaux plantés (fonds de cabane, celliers, latrines ; 245 éléments) et des puits (5 éléments). Le terrain est progressivement occupé par ces structures, d’ouest en est. Au cours de la première moitié du Xe siècle apparaissent des aires d’ensilage. A l'extrême fin du Xe et tout au long du XIe siècle, les fonds de cabane viennent remplacer l’activité d’ensilage. Leur toit, reposant sur le sol, est supporté exclusivement par des poteaux axiaux. D’après le mobilier découvert et les fosses d’ancrage aménagées à l’intérieur, les activités textiles sont dominantes.
A la fin du XIe siècle, l’espace manque et les recoupements se multiplient. En effet, les activités sont contraintes par une limite infranchissable. Un fossé défensif enserre la totalité des vestiges décrits précédemment. De forme sub-rectangulaire, il est large de 10 m pour une profondeur de 4,30 m ; il est en eau dans sa première phase de fonctionnement. Ses dimensions et sa taille donnent un statut particulier à cet espace à vocation agricole et artisanale de l’époque carolingienne et du premier siècle capétien. Le domaine semble être un important centre d'exploitation et de production, rattaché très probablement à l'abbaye de Corbie.
Le bourg castral de Démuin (XIIIe-XVIe siècle)
Les précédents vestiges sont scellés par une couche organique de 0,50 à 1 m d'épaisseur, de manière volontaire. Les raisons de la transformation radicale de cet espace sont inconnues. Le fossé défensif est comblé et une fortification en pierre vient enserrer le village. Quelques habitations en dur ont été repérées mais aucun élément ne permet d’en déterminer la fonction. Ces derniers subissent une série de trois incendies, tous antérieurs à la fin du XIVe siècle. Le dernier incendie, repéré sur plus de 500 m², marque le début de la prééminence de la forteresse sur cet espace.
Cette période est concomitante des premières mentions de la forteresse de Démuin dans les textes (12 février 1418). Les données archéologiques confirment la présence d’une fortification de terre. Les modifications sont très importantes et la physionomie du village en est totalement bouleversée. Les récits de l’érudit Alcius Ledieu au XIXe siècle, à exploiter avec précaution, et les vestiges d’une tour dans le village (à 40 m de la limite ouest de la fouille), probablement une tour maîtresse, aident à mieux comprendre les éléments dégagés par la fouille. Les défenses du village sont détruites au profit de la fortification castrale, plus petite mais mieux défendue. Ainsi se met en place, au nord de la zone de fouille, un château sur motte ceint d’un fossé au-delà duquel on trouve l’église et son cimetière ; l’ensemble étant contenu dans une deuxième enceinte fortifiée. Celle-ci est présente sur la zone de fouille qui est, quant à elle, emmottée par des niveaux stratifiés. Ces derniers contiennent des radiers de craie damés ayant conservé les traces du passage des véhicules déchargeant les gravats. Les niveaux supérieurs présentent un épandage à 45°. Il s'agit probablement des levées de terre de la contrescarpe.
Texte et photos Richard Jonvel
A l'issue de la conférence Richard Jonvel a présenté quelques céramiques trouvées dans les fouilles.
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Xavier becquet (samedi, 10 août 2013 13:06)
Je t'envoie l'article de Richard Jonvel et les photos
tu choisiras
bises
Nicole